Discours de Justin Trudeau au Conseil canadien pour les partenariats public-privé
04 novembre 2014
La version prononcée fait foi
Bonjour, Mesdames et Messieurs.
Comme vous le savez tous, le gouvernement va présenter bientôt une mise à jour économique et financière.
Malheureusement, nous savons aussi que le gouvernement va se servir de cette mise à jour pour se préparer aux prochaines élections, au lieu de préparer le Canada aux défis des prochaines décennies.
J’en ai pour preuve le fait que le gouvernement conservateur devrait annoncer, lors de cette mise à jour, un excédent pour la première fois depuis toutes ces années au pouvoir.
Il faudrait demander au gouvernement dans quoi cet excédent devrait être investi.
Nous savons déjà que le gouvernement s’est engagé à l’utiliser sous la forme de crédits d’impôt visant à amener les gens à voter pour les conservateurs.
Mais est-ce bien cela qui permettra d’assurer l’avenir de notre pays?
En toute humilité, je suggère qu’il serait bien mieux d’investir plutôt dans les infrastructures.
Voilà ce qui devrait être la priorité.
Les investissements dans les infrastructures doivent figurer en tête des décisions que nous pouvons prendre dès maintenant et qui seront gages d’un meilleur pays encore à l’avenir.
Un meilleur pays pour nous, et aussi pour nos enfants.
Car ainsi que vous l’avez certainement constaté, de nombreux défis nouveaux ont surgi récemment, et il nous incombe maintenant de les relever.
Arriver à intégrer de façon responsable et durable l’environnement au sein d’une économie prospère.
La stagnation des revenus de la classe moyenne, et de plus grands obstacles à surmonter pour ceux qui cherchent à faire partie de la classe moyenne.
Au chapitre du climat, les intempéries se font plus sévères et plus fréquentes.
Et n’oublions pas non plus la croissance rapide de nos villes.
Pour composer avec tout cela, nous comptons sur nos infrastructures, qui garantissent notre sécurité et notre confort, et qui nous permettent de maintenir notre qualité de vie.
Il s’agit là d’un enjeu qui fait l’objet d’une profonde réflexion de la part du Parti libéral depuis déjà un certain temps.
Des infrastructures solides et stratégiques favoriseront notre croissance économique, en plus de nous permettre de créer des emplois et de maintenir la compétitivité du Canada.
C’est pourquoi, au cours des deux dernières années, j’ai déjà discuté à plusieurs reprises avec beaucoup d’entre vous.
Les secteurs canadiens de l’infrastructure et de la gestion des biens ont grandement contribué à la croissance économique au cours des deux dernières décennies.
Vous ne vous êtes pas tourné les pouces.
Vous avez trouvé des moyens de bâtir encore plus d’infrastructures, et des infrastructures encore meilleures et mieux adaptées aux circonstances et aux besoins.
Vous avez besoin d’un gouvernement qui vise les mêmes objectifs que vous.
Voyons ensemble pourquoi cela est important et comment nous pouvons y arriver.
Je ne vous apprendrais rien en vous disant que le Canada est vraiment un pays merveilleux.
Mais cela ne devrait pas nous empêcher de chercher des moyens de le rendre encore meilleur.
Grâce aux décisions difficiles que les Canadiens ont eu le courage de prendre au cours des années 1990, la situation budgétaire du gouvernement fédéral est solide.
Mais même si le gouvernement fédéral est en bonne posture financière, on ne pourrait pas en dire autant des Canadiens.
En fait, beaucoup trop de gens attendent encore de profiter de la croissance qu’on leur promet depuis des années.
Le gouvernement conservateur a offert des crédits d’impôt à une poignée de Canadiens. Quelques milliers de dollars, ici et là, mais pas assez pour aider la plupart des familles de la classe moyenne.
Ces quelques bonbons sont typiques d’une stratégie électorale. Mais concrètement, ils ne permettent pas de bâtir le Canada de demain.
Je pense que les choses devraient être différentes. Je pense que les Canadiens devraient recevoir bien plus pour tous les sacrifices qu’ils ont dû faire et tout le travail acharné qu’ils ont accompli pour permettre au gouvernement fédéral de dégager un surplus budgétaire, comme des investissements à long terme dans leurs communautés.
Il faut absolument que la création d’emploi et une croissance économique constante et vigoureuse constituent des priorités, de sorte que nous puissions encore renforcer notre classe moyenne et permettre à chaque Canadien qui le souhaite d’en faire partie.
L’une des façons d’atteindre ces deux objectifs prioritaires consiste à investir dans nos infrastructures.
Je tiens toutefois à rappeler que les investissements dans les infrastructures ne représentent pas uniquement un outil pour stimuler la croissance économique et créer des emplois… Il s’agit aussi d’un moyen de relever certains défis de taille qui nous guettent à l’avenir.
Prenons l’exemple de la congestion routière.
Je ne sais pas combien de temps il vous a fallu pour vous rendre au travail aujourd’hui, mais il vous est sûrement déjà arrivé de rester coincé dans la circulation.
Il est faux de penser que cela n’est qu’un simple irritant. En fait, la congestion routière a un coût bien réel, qui avoisine les 15 milliards de dollars par année.
Prenons aussi l’exemple des changements climatiques.
Les tempêtes extrêmes et d’autres conditions météorologiques anormales deviennent de plus en plus courantes.
Et ce phénomène va se poursuivre.
Avant 1996, le Canada n’avait connu que trois catastrophes naturelles ayant causé des dommages de plus de 500 millions de dollars.
Depuis, il y a en moyenne près d’une catastrophe naturelle de ce genre chaque année.
Mais je ne vous apprends rien.
D’un océan à l’autre, nous avons été touchés par des situations de ce genre.
Et vous connaissez sans doute déjà les coûts que cela entraîne.
Les frais de nettoyage à la suite des inondations subites de l’an dernier, ici à Toronto, se sont chiffrés à plus de 1 milliard de dollars.
L’année dernière, les coûts rattachés aux inondations en Alberta ont atteint 6 milliards de dollars.
Le point n’est pas tant de pouvoir, par quelque moyen, éviter de tels événements à l’avenir, mais plutôt d’être aussi bien préparés que possible pour y faire face.
Si nous sommes bien préparés dès maintenant, nous pouvons réduire certains des coûts qu’il faudra assumer plus tard.
Ainsi, le mois dernier, le président et directeur général de Waterfront Toronto a dit évaluer à 1 milliard de dollars le coût à prévoir pour mettre en place des mesures de protection appropriées contre les crues du cours inférieur de la rivière Don.
Toutefois, il estimait aussi que cet investissement permettrait au gouvernement de réaliser en tout des économies de 5 milliards de dollars.
Voilà le genre de calcul que font les autres pays.
Ils s’efforcent d’attirer les investissements et les entreprises pour l’avenir tout en bâtissant un patrimoine infrastructurel.
Pendant ce temps, au Canada, c’est notre déficit infrastructurel qui augmente, à cause de l’inaction du gouvernement conservateur et de son manque de leadership.
Le plus frustrant, pour ceux d’entre nous qui sont conscients des avantages pouvant découler d’investissements futurs, est que ce serait maintenant le moment idéal de les faire.
Les conservateurs nous ont rebattu les oreilles au sujet du rendement de l’économie canadienne.
Ils clament que le Canada est en bonne posture.
La réalité est autrement plus complexe que ne le laissent croire ces beaux discours.
La reprise économique depuis le creux de la récession s’opère lentement.
Et notre PIB peine à progresser.
Pourtant, on observe en parallèle des taux d’intérêt plus bas qu’ils ne l’ont été depuis des décennies.
Et notre dollar demeure relativement vigoureux.
Tous ces facteurs combinés font que nous nous retrouvons à un tournant historique avec des occasions à saisir – si nous décidons d’envisager les choses ainsi.
Nous pouvons utiliser du financement à long terme afin de soutenir de façon durable et viable des projets dont la réalisation s’étendra sur plusieurs années.
Par la même occasion, nous pouvons créer dès aujourd’hui des emplois bien rémunérés et favoriser la croissance.
Nous nous trouvons à un moment charnière où nous pouvons faire ce que les générations passées ont toujours fait : investir dans l’avenir de ce pays.
Chaque jour, nous utilisons les ponts, les métros, les autoroutes et les ports que les générations passées ont construits pour nous.
Nous avons en ce moment une occasion unique de faire la même chose pour nos enfants.
C’est une occasion que nous ne devons pas rater.
Et pourtant, le gouvernement actuel reste les bras croisés.
Les conservateurs font les mauvais choix.
Ils mettent l’accent sur des crédits d’impôt conçus de façon bâclée, comme le fractionnement du revenu, ainsi que sur des mesures comme leur crédit d’impôt au titre des cotisations d’assurance-emploi pour les petites entreprises.
Ils devraient plutôt investir dans notre prospérité collective.
Augmenter notre productivité.
Il est grand temps que le gouvernement du Canada apporte sa contribution.
Cela fait trop longtemps que les provinces et les municipalités doivent acquitter la facture des infrastructures, alors même qu’elles sont de moins en moins en mesure de le faire.
Car même si Ottawa dispose de 50 % de la capacité des fonds, il n’assume qu’une petite partie des dépenses annuelles rattachées aux infrastructures.
Et il serait peut-être bon de rappeler ici que les conservateurs n’ont pas l’intention d’accroître leur apport dans un proche avenir.
Au contraire, dans son dernier budget, le gouvernement a décidé d’amputer de près de 90 % le Fonds Chantiers Canada.
En effet, les ressources affectées à ce fonds ont été ramenées de 1,7 milliard de dollars à 210 millions seulement cette année.
Pas seulement pour un projet, mais pour tout le pays.
Les conservateurs reportent les dépenses en matière d’infrastructures. Ils promettent que le financement va augmenter, mais seulement après les prochaines élections.
Vous comprendrez mon scepticisme à l’endroit d’une promesse que M. Harper n’aura pas à tenir pendant une autre période de cinq ans.
Ce n’est pas de cette manière qu’un premier ministre bâtit la confiance, selon moi.
Et je ne crois pas non plus que c’est de cette manière qu’on peut bâtir une nation.
Alors, que devrions-nous faire?
La réponse est simple : nous devons prendre l’engagement d’investir davantage dans des projets d’infrastructure dont la nécessité se fait cruellement sentir.
Nous devons établir une nouvelle norme.
Et nous devons miser davantage sur ce que nous faisons justement ici aujourd’hui, c’est-à-dire travailler ensemble.
Nous devons travailler avec les provinces et les villes pour nous assurer que nos priorités sont les bonnes.
Car une fois que nous nous engagerons à investir, nous devrons aussi veiller à ce que nos fonds soient utilisés à bon escient.
Les capitaux privés auront bien évidemment un rôle important à jouer, car ils serviront de complément à des investissements fédéraux accrus.
En nous unissant, nous pouvons saisir cette occasion pour bâtir la nation d’une nouvelle façon.
Les défis qui nous attendent sont multiples, mais les Canadiens peuvent travailler ensemble afin de les relever, comme ils ont su le faire par le passé.
Toute notre prospérité future en dépend.
Les entreprises ne peuvent pas continuer de perdre de l’argent parce que les coûts associés aux infrastructures de base menacent d’éroder leurs revenus.
Les fonds en question doivent plutôt devenir disponibles afin d’alimenter encore plus la croissance économique et créer des emplois.
Nous devons nous assurer que nos corridors commerciaux fonctionnent à plein rendement, non seulement pour que les entreprises puissent écouler leurs biens et services sur les marchés, mais aussi parce que cela engendre des avantages dont profitent également les travailleurs canadiens.
Bref, nous devons maintenir le dynamisme de l’économie canadienne.
De concert avec les Canadiens qui y participent.
Car, n’oublions pas une chose : si l’on veut régler un problème comme la congestion routière, ce n’est pas uniquement pour permettre aux gens de se rendre au travail.
C’est aussi pour augmenter la productivité et la qualité de vie.
Nous sommes un des pays les plus urbanisés au monde, mais nous sommes aussi un des seuls pays développés au monde à ne pas avoir une approche nationale en matière de transport en commun.
Les Canadiens doivent pouvoir se rendre à destination plus rapidement, de façon plus efficace et en toute sécurité.
Pour beaucoup d’entre vous, et j’en fais partie, les infrastructures sont synonymes de croissance et de productivité. Mais pour beaucoup de gens dans les villes partout au Canada, les infrastructures sont la clé pour arriver au travail à l’heure.
Ou pas du tout.
C’est aussi simple et aussi important que cela.
Si vous voulez savoir pourquoi les gens qui ont voté pour Doug Ford sont mécontents, essayez de vous rendre de Rexdale à Scarborough le matin en voiture pour le travail.
Un engagement, qui s’inscrit dans notre contrat social, nous amènera en outre à réexaminer notre plan en matière de logement abordable.
Le secteur privé a une grande expérience en matière de construction et de gestion de différents types de logements. Mais le gouvernement devrait tirer parti de cette expertise pour permettre aux Canadiens de trouver plus facilement un toit.
Et nous pouvons mettre fin au manque d’investissements dans nos communautés des Premières nations et qui est honteux.
Car il n’est pas question simplement de paver de nouvelles routes ou de poser des voies ferrées.
Nous sommes tous en cause ici – ce dont il est question, c’est de notre pays, le pays dans lequel nous voulons vivre, le pays que nous voulons laisser en héritage à nos enfants.
Comment allons-nous y parvenir?
Nous devons faire preuve de créativité afin de nous assurer que les ressources investies dans les infrastructures ont des retombées optimales dans les communautés où ces investissements sont effectués.
Cela peut prendre la forme d’une formation pour permettre aux jeunes d’acquérir des compétences, ou encore d’emplois destinés à d’anciens combattants.
Par ailleurs, nous devons disposer de meilleurs outils à l’échelon fédéral pour planifier et financer les investissements dans les infrastructures… pour aider les autres paliers de gouvernement à investir dans leurs actifs… et pour mobiliser les sources de capitaux privés.
Ce qui me ramène à vous.
Le gouvernement a besoin de votre aide pour trouver des mécanismes nouveaux et plus novateurs afin de financer et de construire les infrastructures publiques.
À ce chapitre, nous pouvons apprendre de l’expérience des provinces.
En effet, pendant que le gouvernement fédéral ne faisait rien, ce sont les provinces qui ont été les chefs de file en matière d’élaboration de modèles de financement innovateurs afin de pouvoir construire davantage d’infrastructures publiques.
Pour trouver des façons d’aller de nouveau de l’avant, Ottawa devrait d’inspirer de ce qu’ont réalisé entre autres l’Ontario et la Colombie-Britannique.
Force est d’admettre que le gouvernement conservateur fait piètre figure lorsque l’on compare ses efforts aux visées et aux réalisations d’Infrastructure Ontario.
Nous pouvons aussi étudier les possibilités qui s’offrent en vue de mener des projets d’infrastructures viables au moyen d’« obligations vertes ».
Nous avons actuellement des infrastructures qui ont été bâties pour un climat qui n’existe plus. Les infrastructures doivent être bâties pour l’avenir. Comme l’a récemment souligné un maire des Prairies, nos villes ne peuvent supporter les tempêtes du siècle que si elles n’ont lieu que tous les 100 ans.
Pas toutes les années.
Nous pouvons aussi accroître la clarté et la transparence des activités de planification et d’établissement des priorités, de pair avec une responsabilisation plus rigoureuse concernant le financement accordé.
Car il est certain que le gouvernement fédéral actuel a été de loin meilleur pour annoncer des investissements dans les infrastructures que pour investir réellement ces fonds.
En somme, non seulement nous pouvons promettre des investissements dans les infrastructures, mais nous pouvons les réaliser, de façon durable et responsable dans tous les paliers de gouvernement.
Les investissements dans les infrastructures sont utiles à l’économie : cela n’a rien de bien sorcier.
Mais vous n’êtes pas obligés de me croire sur parole.
Demandez au ministère des Finances ce qu’il en pense.
Ses propres chiffres en sont la preuve.
Ainsi, à la suite d’un investissement de 1 milliard de dollars dans les infrastructures, le PIB peut connaître une hausse atteignant jusqu’à 1,6 milliard.
Tout un rendement du capital investi!
Toutefois, ce sont probablement les avantages que l’on ne peut mesurer en chiffres qui nous frapperont le plus.
On peut penser par exemple à la santé et à la prospérité des générations futures.
En tant que Canadiens, nous pensons beaucoup à nos enfants. C’est dans notre nature.
Je suis bien placé pour en parler.
Je pense au genre de pays que nous pouvons leur offrir si nous agissons dès maintenant.
Je pense aussi au genre de dette que nous serons peut-être forcés de contracter si nous n’agissons pas.
Nous devons faire notre part; c’est la moindre des choses.
Génération après génération, les Canadiens ont offert à leurs enfants un pays meilleur que celui qu’eux-mêmes avaient connu à leur naissance ou à leur arrivée.
J’imagine mal les raisons pour lesquelles cela devrait prendre fin avec notre génération.
Nous ne pouvons pas laisser à nos enfants un lot de factures impayées parce que nous refusons d’investir maintenant.
Surtout si l’on tient compte de la conjoncture historique particulièrement favorable qui s’offre à nous pour agir dès maintenant.
Nous pouvons donner au Canada les moyens de maintenir sa compétitivité au sein de l’économie mondiale et de relever les défis qui l’attendent.
C’est ce que les Canadiens accomplissent depuis des générations.
C’est d’ailleurs dans ce but que nous avons bâti les routes qui nous unissent, et les aéroports qui nous relient à tous les points de la planète.
C’est dans ce but également que nous avons construit une voie maritime afin d’acheminer nos ressources vers les différents marchés.
Et c’est dans ce but que nous avons construit la toute première voie ferrée qui a unifié notre pays d’un océan à l’autre.
Voilà pourquoi nous faisons si souvent preuve de solidarité pour réaliser ensemble les choses que nous ne pouvons pas faire seuls.
Nous pouvons et nous devons le faire encore une fois.
Merci.