Lettre du chef du Parti libéral du Canada au premier ministre du Québec
22 août 2015
OTTAWA – Le chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, a fait parvenir la lettre suivante au premier ministre du Québec, Philippe Couillard.
Monsieur le Premier Ministre,
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre lettre du 14 août dernier dans laquelle vous me faites part de vos attentes spécifiques dans le cadre de la présente campagne électorale fédérale.
Permettez-moi d’abord de prendre acte de votre engagement indéfectible à l’égard du Canada et du fédéralisme canadien. Nous avons toutes les raisons d’être fiers de ce que nous, Québécois, avons bâti avec tous les autres Canadiens. Je salue et partage votre souhait de voir le gouvernement du Québec demeurer un partenaire actif au sein de la fédération canadienne.
Il nous faut constamment revenir à l’esprit fédéral : cette idée que nous devons travailler ensemble, dans le respect des différences, pour atteindre nos objectifs communs. Les défis auxquels nous faisons face ne peuvent être résolus uniquement à partir d’Ottawa. Ils exigent un vrai partenariat entre le gouvernement fédéral et les provinces et une vision fédérale qui respecte les compétences du Québec et de toutes les provinces. Cela nécessite un dialogue continu. C’est pourquoi je me suis déjà engagé à tenir une rencontre annuelle avec tous les premiers ministres provinciaux et territoriaux si mon parti remporte les élections du 19 octobre prochain.
Il est souhaitable que ces rencontres soient consacrées aux priorités des Québécois et des autres Canadiens, notamment la stimulation de l’économie et la prospérité de la classe moyenne. Je vous souligne d’ailleurs que mon plan de réforme du Sénat pourrait être mis en oeuvre sans avoir à replonger dans de longues négociations constitutionnelles, qui ne m’apparaissent pas dans le meilleur intérêt du pays à ce moment-ci.
Le Parti libéral du Canada reconnaît qu’étant donné le caractère unique de la société québécoise, le gouvernement du Québec a des responsabilités particulières. Si mon parti est porté au pouvoir, les Québécois peuvent être assurés que mon gouvernement respectera cette réalité et travaillera avec enthousiasme, de concert avec votre gouvernement, à promouvoir le fait français et la culture québécoise, au Canada et à l’étranger. Cela fait partie de qui nous sommes en tant que Canadiens.
Le programme électoral que nous mettons de l’avant dans cette campagne électorale est respectueux des compétences provinciales et territoriales. Permettez-moi de vous répondre directement sur les enjeux que vous soulevez dans votre lettre.
Fédéralisme fiscal
Les transferts aux provinces constituent un enjeu de première importance dans les relations fédérales-provinciales. Contrairement à M. Harper, je n’entends pas traiter cette question de manière unilatérale. Mon parti est conscient des défis que représentent la hausse des coûts de santé et le vieillissement de la population pour les gouvernements provinciaux. Si le parti que je dirige forme le gouvernement, celui-ci convoquera une rencontre fédérale-provinciale afin de convenir d’une entente à long terme sur le financement des soins de santé. Dans le cadre d’un partenariat renouvelé en matière de santé, je suis, comme vous, d’avis que l’innovation sera essentielle à l’atteinte de résultats concrets pour améliorer l’accès et la qualité des soins de santé partout au pays.
Sur la péréquation, nous sommes tout à fait ouverts à entamer un dialogue avec les gouvernements provinciaux. Évidemment, il nous faudra tenir compte du cadre fiscal que nous lèguera le gouvernement actuel. Nous sommes déterminés à gérer les finances publiques de manière responsable.
Quant au droit de retrait avec pleine compensation des provinces, je suis d’avis qu’il s’agit d’un principe et d’une pratique bien établis au sein du cadre fédéral canadien. L’entente sur l’union sociale conclue en 1999, ainsi que l’entente de 2004 sur la santé, l’ont d’ailleurs confirmé.
Économie et infrastructures
L’économie est au coeur des préoccupations des Canadiens et donc de la présente campagne. Le plan que nous proposons aux Canadiens se fonde sur deux prémisses. Premièrement, il faut agir à partir du principe que pour prospérer économiquement, le Canada a besoin d’une classe moyenne prospère. C’est pourquoi j’ai déjà annoncé que nous baisserons les impôts de la classe moyenne et que nous introduirons une nouvelle Allocation canadienne aux enfants. Deuxièmement, nous investirons dans les secteurs ou nous pouvons stimuler la croissance économique à long terme. À cet effet, je me suis déjà engagé à effectuer des investissements substantiels en infrastructures. Je me réjouis que cette priorité soit aussi la vôtre et je prends bonne note de vos commentaires en ce qui a trait à l’allocation des fonds. Investir intelligemment dans nos infrastructures créera des emplois et suscitera de la croissance à court terme tout en bâtissant une économie plus compétitive, capable d’assurer des emplois bien rémunérés et une croissance plus forte pour l’avenir. Nous aurons plus de détails à partager sous peu en matière d’infrastructures.
Changements climatiques
Quant à notre politique en matière de changements climatiques, je crois qu’il s’agit là d’un bon exemple du type de fédéralisme collaboratif que nous voulons pratiquer. Dans mon plan pour l’environnement et l’économie du Canada, je me suis engagé à agir en partenariat avec les provinces et à les aider à renforcer leurs propres plans, en tenant compte de leurs réalités respectives, et en misant sur le leadership dont plusieurs d’entre elles ont déjà fait preuve, notamment le Québec.
Si je suis élu premier ministre en octobre, je compte me rendre à Paris à la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques avec tous les premiers ministres provinciaux et territoriaux, afin que nous puissions parler d’une voix forte et unie. Je souhaite de tout coeur que vous puissiez être de la partie. Dans les 90 jours suivant cette conférence, je prévois tenir une réunion des premiers ministres dans le but d’élaborer un cadre d’action pour réduire les émissions de carbone au Canada et ainsi accélérer la lutte contre le réchauffement planétaire. De plus, un gouvernement libéral investira dans les technologies vertes. Vous me permettez sans doute de citer en exemple le leadership remarquable dont fait preuve le Québec sur la scène nationale en matière de lutte aux changements climatiques.
Gestion de l’offre
En ce qui a trait aux négociations qui pourraient mener à un accord multilatéral de libre-échange avec les pays du Pacifique, je me suis déjà engagé au nom de mon parti à protéger la gestion de l’offre dans le cadre de cette entente. Je comprends l’importance de ce dossier pour le secteur de l’agro-alimentaire au Québec.
Radio-Canada et bilinguisme des juges à la Cour suprême
Je suis heureux de constater que comme moi, vous vous préoccupez du financement de Radio-Canada. Cette institution unique doit pouvoir exercer son mandat primordial pour la société canadienne. Dans un pays aussi vaste et divers que le nôtre, la Société Radio-Canada demeure essentielle à la qualité de notre vie démocratique ainsi qu’à la diffusion et à la promotion de notre culture, au Québec, dans le reste du pays, et dans le monde. Elle doit donc pouvoir disposer d’un financement adéquat, des moyens de prendre le virage du numérique et d’un cadre de gouvernance qui en assure l’indépendance. Voilà pourquoi j’ai à maintes reprises exprimé notre volonté d’annuler les coupures faites par les Conservateurs et de rétablir le financement de la Société, volonté que je vous réitère aujourd’hui.
Quant à cette autre institution cruciale pour la démocratie qu’est la Cour suprême du Canada, je me suis engagé publiquement, le printemps dernier, à instaurer un processus de nomination de ses juges qui soit plus transparent, plus respectueux des provinces et qui garantisse que les candidats retenus puissent travailler dans les deux langues officielles.
Concertation fédérale-provinciale
Quant à C-51, mon parti s’est engagé, si nous formons le gouvernement, à amender la loi de manière à assurer le respect des droits et libertés des Canadiens et de mieux encadrer les nouveaux pouvoirs dévolus aux forces de l’ordre.
En conclusion, je tiens à vous assurer de mon engagement à être un bon partenaire pour le gouvernement du Québec et comme je l’ai toujours fait, avant comme depuis mon entrée en politique, à être à l’écoute de mes compatriotes québécois.
Depuis que les gens de la circonscription de Papineau m’ont élu pour les représenter à Ottawa, et encore plus depuis mon élection comme chef du Parti libéral du Canada, j’ai sillonné les diverses régions du Québec. Aujourd’hui, mon équipe de candidates et de candidats du Québec est bien décidée à donner au Québec une voix forte à Ottawa et à coopérer avec votre gouvernement.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de ma haute considération.
Justin Trudeau
Chef du Parti libéral du Canada