Un chef de parti qui ne respecte pas la primauté du droit ne mérite pas de devenir Premier ministre
20 novembre 2013
Article publié dans le Toronto Star, lundi le 18 novembre 2013
Dans une récente vidéo, le chef du NPD Thomas Mulcair pose une interprétation erronée quant à l’avis de la Cour suprême du Canada sur une question aussi importante que déconcertante pour tous les Canadiens : comment une province peut-elle, légalement, se séparer de notre pays. M. Mulcair s’inspire entièrement du projet de loi C-470, projet de loi truffé de lacunes déposé au Parlement par Craig Scott, député néodémocrate de Toronto–Danforth. Ce projet de loi propose d’abolir la Loi sur la clarté et de changer notre cadre juridique de manière à permettre à une province de faire sécession à partir d’un seul vote entre le Oui et le Non à la suite d’un référendum. Mais alors que la constitution du NPD ne peut être amendée qu’avec une majorité des deux tiers, pourquoi M. Mulcair considère-t-il qu’une seule voix suffit pour briser le Canada ?
Ce projet de loi du NPD fait fi de l’opinion de la Cour suprême du Canada à l’effet que toute négociation relative à la sécession exigerait qu’on ait d’abord répondu par « une majorité claire à une question claire ». Ce test de « majorité claire » est très important car plus une décision a des répercussions sur les droits des citoyens et lie les générations futures, plus une démocratie doit être exigeante quant à la procédure d’adoption d’une telle décision. La sécession est un acte très grave et probablement irréversible qui entraînerait de très lourdes conséquences pour toutes les Canadiennes et tous les Canadiens, y compris les générations futures.
La prise de position de Thomas Mulcair est une volte-face par rapport à l’opinion antérieure du NPD. En 2000, l’ancien chef du NPD Ed Broadbent, intervint en faveur de la Loi sur la clarté en déclarant : « Les simples citoyens et les experts s’entendent massivement pour reconnaître que la démocratie signifie plus que la simple majorité de 50 % plus une voix ». Roy Romanow, Bill Blaikie, Pat Martin et Gary Doer, autres politiciens néodémocrates, étaient eux aussi d’ardents défenseurs de la Loi sur la clarté.
Dans la vidéo, M. Mulcair déclare que les libéraux ne devraient pas pouvoir participer à ce débat tant qu’ils n’auront pas défini le nombre qui permettrait la sécession. Là encore, il interprète mal l’avis de la Cour suprême. En effet, la Cour nous invite à ne pas chercher à établir un seuil de majorité à l’avance : « il reviendra aux acteurs politiques de déterminer en quoi consiste ‘‘une majorité claire en réponse à une question claire’’, suivant les circonstances dans lesquelles un futur référendum pourrait être tenu ».
C’est là un conseil très sage. L’examen de la clarté d’une majorité a une dimension qualitative qui exige qu’on fasse une évaluation politique dans la pleine connaissance de la situation du moment. De plus, fixer un seuil à l’avance, quel qu’il soit, nous exposerait au risque d’avoir à soumettre une décision aussi grave qu’est le choix d’un pays aux résultats d’un recomptage judiciaire ou à l’examen des bulletins rejetés. Cela nous placerait tous dans une situation intenable, voire insensée.
Pour limiter le risque de désaccord sur la clarté d’une majorité, un gouvernement sécessionniste n’a qu’à s’abstenir de tenir un référendum tant qu’il ne sera pas raisonnablement assuré de le gagner clairement. Hélas, M. Mulcair encourage les sécessionnistes à faire exactement le contraire : tenir un référendum « à pile ou face ».
Le 25 novembre, les électeurs de Brandon, Steinbach, Bourassa et Toronto-Centre auront l’occasion d’envoyer le message suivant : il est inacceptable de présenter un avis de la Cour suprême de manière déformée à des fins partisanes. Tous les candidats du NPD doivent s’engager à dire s’ils sont d’accord avec M. Mulcair, que 50 % plus une voix est une majorité raisonnable pour briser le Canada. Qu’ils répondent donc à la question suivante : si 50 % plus une voix est une majorité claire, que serait une majorité non claire ?
Stéphane Dion
Député de Saint-Laurent–Cartierville
Porte-parole libéral responsable pour les Affaires intergouvernementales