Coupures à l’ARC: La bulle éclate
21 mars 2015
Je sais que la fiscalité ne soulève pas toujours des passions, mais aujourd’hui, sur les tables de cuisines, dans les bureaux de comptables, chacun doit remplir sa déclaration d’impôts. Comme on dit, c’est le prix à payer pour vivre en société.
Après avoir passé vingt ans à l’Agence du revenu du Canada à lutter contre l’économie clandestine, je sais que chaque contribuable, entreprise canadienne et organisme de bienfaisance mérite un service fiable et un traitement fiscal juste et honnête.
Les Canadiens me diront sans doute que je peux toujours rêver, puisqu’à force de sabrer dans les services à l’Agence, les Conservateurs s’en sont encore une fois pris aux Canadiens de la classe moyenne. Quand les services se dégradent, tous les Canadiens écopent, mais surtout ceux qui doivent se démêler seuls.
La Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) est basée sur l’autocotisation, c’est-à-dire sur l’observation volontaire des Canadiens. Pour comprendre les règles et les appliquer à leurs situations individuelles, la bonne communication est primordiale.
Or, ces exemples sont alarmants. Ce n’est pas moi qui le dis; c’est l’agence elle-même qui fait le constat.
Correspondances illisibles
L’automne passé, une étude de l’Agence a produit une évaluation cinglante. Selon elle, les 130 millions de lettres que l’Agence envoie à chaque année aux entreprises, aux organismes de charité et aux contribuables sont désorganisées, portent à confusion, et manquent de professionnalisme. Dans plusieurs cas, il est même impossible de déduire l’objet principal de la lettre.
La conséquence pour le contribuable est évidente : il est induit en erreur, et par conséquent, il paie des fortunes en amendes et pénalités, sans compter le temps précieux qu’il perd dans le processus.
Vous vous demandez peut-être : Comment en sommes-nous arrivés là?
Excellente question, mais la réponse n’est pas surprenante.
Élimination des comptoirs de services
Les Conservateurs coupent maladroitement dans les services à l’ARC depuis un bout déjà: 253 millions $ en 2012, et un autre 61 millions $ en 2013. Tous les comptoirs de services dans les bureaux de services fiscaux sont maintenant fermés. Voici un endroit où le contribuable pouvait apporter ses documents, et toujours rencontrer la même personne. Aujourd’hui, tous ces gens sont redirigés vers une ligne téléphonique saturée, et une équipe de service érodée. C’est le Canadien moyen qui paie.
Entreprises induites en erreur
Ce n’est donc pas surprenant que le service téléphonique ait reçu une évaluation encore plus désastreuse cet hiver.
- En effet, selon une seconde étude interne, à peine la moitié des entreprises qui appellent l’Agence pour la première fois obtiennent une réponse.
- En moyenne, ça prend presque trois appels pour qu’elles rejoignent quelqu’un.
- Pour celles qui réussissent finalement, elles ont une chance sur 4 d’être induites en erreur par sa réponse. 1 chance sur 4!
- Les conséquences de ces erreurs peuvent être graves. On parle d’amendes, de pénalités, et de poursuites, si ce n’est pas de faillites ou de pertes de licences.
35 000 cas en attente
Pourtant, le canari dans la mine avait sonné l’alarme. L’ombudsman des contribuables rapportait en janvier dernier qu’il s’inquiétait du retard de 35 000 plaintes à l’Agence, soit un fardeau correspondant à six mois de travail. Au sujet des coupures à l’ARC, il rapportait que la plainte qui lui revenait le plus souvent avant même la mise en place des compressions portait sur la difficulté de communiquer avec l’Agence.
Et vous savez quoi : l’ombudsman a démissionné en juin dernier, et on ne l’a tout simplement pas remplacé.
C’est le modus operandi du gouvernement Harper : Il coupe sans jugement. Lorsque le toit commence à couler, il peinture par-dessus les craques du plafond. Les dégâts s’empilent les uns sur les autres. La bulle éclate.
Les priorités de M. Harper
Mais où sont les priorités de M. Harper? Son gouvernement a octroyé 13 millions $ de nouvel argent pour enquêter sur les activités politiques des organismes de bienfaisance. Aujourd’hui, c’est une véritable chasse aux sorcières. On apprend par les médias que la majorité des organismes harcelés s’opposent aux politiques des Conservateurs.
Du côté de l’évasion fiscale, on réduit les efforts. Depuis 2010, malgré les stratagèmes d’évasion et d’évitement de plus en plus complexes, le nombre de vérificateurs ne cesse de chuter. Pourtant, un investissement de 30 millions $ par année d’un gouvernement libéral en 2005(p.181) jusqu’en 2009 rapporté 2.7 milliards $ à l’assiette fiscale. Pourquoi s’attaquer à une équipe qui remplit le coffre de tous les Canadiens en poursuivant les fraudeurs?
Exemple choquant : Au Liechtenstein et en Suisse, l’Agence a appris par une fuite qu’environ 2000 Canadiens y avaient caché des milliards de dollars. Pourtant, la ministre Findlay leur a permis de s’en sortir sans amendes ou pénalités, par le processus de divulgation volontaire. Quand on est pris la main dans le sac, il n’y a rien de volontaire là-dedans Madame la ministre!
Voilà le message que j’ai voulu partager en conférence de presse cette semaine à Ottawa. Les Canadiens ont besoin d’un gouvernement à leur écoute. Ils ont besoin d’une Agence du revenu à leur service. Chaque Canadien est le client le plus important, et il est grand temps qu’il le ressente.
Un gouvernement libéral devra s’en assurer.
Emmanuel Dubourg
Député de Bourassa