Je suis une députée et je fais partie des personnes qui luttent contre la dépression
19 septembre 2016
En janvier et février de 2015, après avoir perdu une élection partielle fédérale, je ne voulais plus quitter mon lit. Rarement je me douchais, me lavais les cheveux, me brossais les dents ou sortais de la maison.
En janvier et février de 2016, les choses étaient différentes. J’avais un emploi. J’étais députée de Whitby et secrétaire parlementaire du premier ministre, pour l’amour du ciel! Quitter mon lit ne suffisait pas : je devais me doucher, me laver les cheveux et sortir de la maison.
C’était trop pour moi. Tellement qu’un jour, à la fin de février, j’ai abruptement déserté une réunion à laquelle je prenais part avec mes collègues du caucus. J’ai passé quelques heures à la salle d’urgence d’un hôpital d’Ottawa, puis j’ai regagné Whitby en train.
J’ai passé tout le trajet à sangloter sans pouvoir m’arrêter. Mon maquillage coulait sur mon visage et j’ai dû utiliser ma robe pour essuyer mon nez. Je n’étais pas belle à voir!
J’avais reçu un diagnostic de dépression au milieu de 2015, mais là, c’était autre chose. J’étais en train de perdre le contrôle et je ne savais pas quoi faire. Assise dans le train, je me suis demandé si quelqu’un allait m’aider, si quelqu’un voyait à quel point je souffrais.
À mon retour à la maison, je me sentais complètement perdue, comme si ma vie m’échappait.
Je me demandais sans cesse : « Pourquoi maintenant? Pourquoi est-ce que ça m’arrive maintenant? Pourquoi ma vie s’écroule-t-elle maintenant? »
Quelques appels téléphoniques plus tard (je tiens à remercier Don Stuss pour son écoute bienveillante), je me suis retrouvée dans un hôpital de Sunnybrook sous le nom d’emprunt de Lisa May, assise pendant six heures à côté d’un homme qui avait besoin de plus d’aide que moi, et d’une femme qui avait besoin de plus d’aide que cet homme.
Lorsque j’ai enfin vu un médecin – qui a immédiatement compris que je devais être hospitalisée –, aucun lit n’était disponible. Hélas! il n’est pas évident d’être un patient en santé mentale dans notre système de santé.
Les semaines et les mois qui ont suivi ont été ponctués d’une série de comportements erratiques, dont des courriels désagréables fréquents à mes collègues, des disputes constantes avec mon mari (sans oublier une série d’appels à un avocat spécialisé en divorce), une vie sociale limitée et l’effet yo-yo des médicaments.
Des médicaments pour l’humeur, pour la motivation et pour m’aider à dormir. Quelques-uns m’ont fait prendre du poids, d’autres m’ont donné la nausée, et d’autres n’ont tout simplement pas fonctionné.
Ma vie s’était transformée en un cauchemar sans fin. Je me demandais sans cesse : « Pourquoi maintenant? Pourquoi est-ce que ça m’arrive maintenant? Pourquoi ma vie s’écroule-t-elle maintenant? »
Celina Caesar-Chavannes / Facebook
J’aurais dû être aux anges. J’avais un bon emploi, un mari et des enfants aimants, et de l’aide. Pourquoi alors cela m’arrivait-il? Je me sentais prise dans un profond trou noir. Peu importe les efforts que je déployais, le trou se creusait davantage. Il n’y avait pas d’issue. J’allais y être prisonnière pour toujours.
Puis, un miracle s’est produit… En fait, pas exactement. Il n’y a pas de solution miracle. Toutefois, un jour où je ne pouvais quitter mon lit et me traitais de paresseuse, j’ai finalement réussi à me lever, mais j’étais si épuisée de m’être tapée sur les doigts que je suis simplement retournée au lit.
Cette journée-là, je me souviens d’avoir pensé : « Celina, c’est correct, c’est correct de se reposer un peu. C’est correct d’avoir de mauvaises journées. C’est correct de ne pas pouvoir s’attaquer à tout. Celina, ma chérie, c’est correct! »
Cette journée-là, j’ai souri. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai senti que ma dépression n’avait pas pris le dessus sur moi, mais qu’elle faisait plutôt partie de moi, et ça aussi, c’était correct.
« M’approprier ma dépression est ma thérapie. Le fait d’en parler donne selon moi aux autres la permission de parler également de santé mentale. »
Comprenez-moi bien, je prends encore des médicaments et je fais du yoga, de l’exercice et tout ce qui est censé améliorer la santé mentale. Je me bats chaque jour, mais ce message de deux mots à moi-même était un rappel de mon humanité, de ma vulnérabilité… et de ma force.
Partager son histoire personnelle et s’approprier celle-ci est important. M’approprier ma dépression est ma thérapie. Le fait d’en parler donne selon moi aux autres la permission de parler également de santé mentale. Tous ne peuvent pas être vulnérables et s’exprimer à la fois, mais moi, j’en suis capable, alors je le fais!
S’approprier votre maladie mentale est un cadeau que vous vous faites à vous-même. C’est un cadeau qui vous permet de vous détendre pendant un moment, de prendre le temps de respirer. Oui, je suis bien consciente que je lirai des commentaires ci-dessous qui ne me plairont pas, tout comme je suis convaincue que certains des lecteurs de ce blogue feront face à des situations que vous n’aimerez pas.
La vie ne sera pas toujours facile. Des orages surviendront et pourraient vous donner l’impression que c’est la fin du monde. Je veux cependant que vous sachiez avec certitude que la Terre continuera à tourner et que tout ira bien.
Avec amour et affection,
Celina
Ce blogue a initialement été publié en anglais sur le site Huffington Post Canada : http://www.huffingtonpost.ca/celina-caesarchavannes/mp-struggle-with-depression_b_11991790.html