Les libéraux s’opposent au projet de loi C-54
27 mai 2013
Cette semaine, lorsque le projet de loi C-54, Loi sur la réforme de la non-responsabilité criminelle fera l’objet d’un vote à la Chambre des communes, les libéraux s’opposeront à son adoption. Nous agirons ainsi parce que ce projet de loi ne répond pas à nos priorités, soit d’assurer la sécurité du public et de prévenir la victimisation et la criminalité. Et nous agissons ainsi parce que ce nouveau projet de loi est superflu. Nous avons déjà un système qui protège le public.
Stigmatiser la maladie mentale est inacceptable.
De plus, cela ne règle pas le problème.
Nous avons pris cette décision après avoir soigneusement examiné la question, consulté de nombreux spécialistes, longuement discuté avec les membres du caucus – et en nous fondant sur des faits et des preuves.
Comment le système fonctionne actuellement dans l’intérêt de la sécurité du public
Il y a un équilibre délicat à établir lorsqu’on doit juger des actes criminels perpétrés par des personnes qui, au moment où elles les ont commis, étaient trop malades pour comprendre que ce qu’elles faisaient était répréhensible. Un des principes fondamentaux de notre système de justice pénale est que, pour infliger une peine à un accusé, il faut que ce dernier soit apte à comprendre la nature de ses actes. Lorsqu’une maladie mentale empêche un accusé de mesurer la gravité de ses actes, la loi prévoit depuis longtemps une troisième option – non pas un acquittement, mais plutôt une incarcération dans un établissement sécurisé où des soins psychiatriques sont disponibles. Le cas des personnes qui cherchent à quitter de tels établissements est étudié par une commission d’examen spécialisée, présidée par un juge et appuyée par un groupe d’experts, dont au moins un psychiatre. Ces commissions d’examen sont mieux équipées que les tribunaux pour déterminer dans quelle mesure de tels contrevenants mettent la collectivité en danger, et quel régime de soins est le mieux adapté pour assurer qu’ils ne commettent pas d’autres infractions.
Les conservateurs essaieront d’effrayer la population et ainsi lui faire croire que le système actuel ne fonctionne pas. Mais en réalité, des recherches menées par le ministère de la Justice lui-même démontrent que le taux de réussite des commissions d’examen est élevé : la récidive (la perpétration d’une nouvelle infraction) parmi les contrevenants dont le cas leur est soumis est beaucoup moins fréquente que parmi les contrevenants placés au sein des systèmes correctionnels ordinaires. Les recherches démontrent également que, loin de profiter d’un passe-droit pour éviter la prison, les contrevenants qui sont orientés vers ce système sont sous supervision plus longtemps que s’ils avaient été envoyés en prison au départ.
Menace à la sécurité du public et questions de constitutionalité
En dépit des preuves, le gouvernement propose de créer une nouvelle catégorie d’accusés « à haut risque », ce qui modifierait en profondeur la façon dont fonctionne le système. Cela aboutirait à étiqueter immédiatement quelqu’un qui a commis une seule infraction grave comme une personne susceptible de récidiver ou de présenter une menace plus importante pour la société – sans preuve. Une telle politique renie des dizaines d’années d’évaluation scientifique et d’efforts pour briser les mythes concernant les maladies mentales. La création de cette nouvelle catégorie et ses conséquences (par exemple, la suppression d’examens annuels de l’état de santé d’un délinquant, remplacés par des examens pratiqués seulement tous les trois ans) signifie que les contrevenants seront obligatoirement dirigés vers le système carcéral ordinaire – qui en fera presque certainement, à leur sortie, des gens plus dangereux et plus susceptibles de récidiver. En fait, dans ce cas, le taux de probabilité d’une récidive est de cinq à six fois plus élevé que dans le cadre du système actuel. C’est cela qui met véritablement en danger la sécurité du public.
Vic Toews lui-même, une autorité en la matière s’il en est, a déclaré que trop de gens souffrant de maladies mentales « ne sont pas à leur place » en prison. Paradoxalement, ce projet de loi aura, entre autres, pour effet d’accentuer cette tendance.
La création de cette catégorie de contrevenants « à haut risque » n’a aucun fondement juridique et, selon l’association du Barreau canadien, soulève de sérieuses questions de constitutionalité à cause du caractère des dispositions afférentes.
Encouragement de la stigmatisation
En bout de ligne, le message transmis par le projet de loi C-54 est que les Canadiens atteints de maladies mentales sont dangereux et qu’on devrait en avoir peur. Comme l’a clairement souligné l’Association des psychiatres du Canada, il n’existe aucune preuve démontrant que les gens souffrant de maladies ou de troubles mentaux présentent un plus grand risque pour la population.
Le projet de loi C-54 renforcera les préjugés dommageables à propos des maladies mentales. En fait, à cause de ces préjugés, il sera plus difficile de faire en sorte que les gens qui en sont atteints se fassent soigner. Pourtant, la Commission de la santé mentale du Canada note que le traitement est la mesure préventive la plus efficace à appliquer au petit nombre de personnes atteintes de maladies mentales qui commettent des infractions graves.
Le projet de loi C-54 reflète une politique inefficace qui ira à l’encontre de la sécurité du public. Il joue sur la peur pour perpétuer des mythes et des stéréotypes à propos des maladies mentales, ce qui n’aboutira qu’à une stigmatisation encore plus marquée. Lorsque nous voterons cette semaine, nous défendrons une plus grande sécurité du public et des politiques fondées sur des preuves.
Nous espérons que vous serez à nos côtés.
Bob Rae
Cliquez sur les liens suivants pour en savoir plus à propos du projet de loi C-54 et pour consulter notamment les études de l’Association du Barreau canadien, de la Commission de la santé mentale du Canada, de l’Association des psychiatres du Canada, ainsi qu’une déclaration conjointe de la communauté de la santé mentale du Canada (anglais seulement).