Les libéraux demandent à la GRC d’enquêter sur une possible offense criminelle en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada
29 novembre 2013
OTTAWA– Le porte-parole libéral en matière de justice, Sean Casey, a envoyé aujourd’hui la lettre suivante au Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada au sujet des allégations de la GRC selon lesquelles avant que Nigel Wright ne signe un chèque de 90 000 $ pour le sénateur Mike Duffy, il y aurait eu un plan pour que le Parti conservateur rembourse les dépenses du sénateur Duffy. M. Casey demande un enquête pour déterminer si cela constitue une offense criminelle en vertu de l’article 16 de la Loi sur le Parlement du Canada :
Robert Paulson
Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada
Direction générale de la GRC
Immeuble QG
73, promenade Leikin
Ottawa (Ontario) K1A 0R2
Monsieur le Commissaire,
Plusieurs de mes collègues parlementaires et moi-même sommes profondément troublés par le contenu d’une dénonciation en vue d’obtenir une ordonnance de communication que les tribunaux ont publiée le 20 novembre 2013.
Cette dénonciation contient de nombreux courriels émanant d’employés du Cabinet du premier ministre, de dirigeants du Parti conservateur et de sénateurs conservateurs, ainsi que des résumés d’interrogatoires menés par des agents de la GRC et recueillis lors de l’enquête de la GRC dont ont fait l’objet Nigel Wright et Mike Duffy pour plusieurs violations possibles du Code criminel.
Le document laisse entendre qu’avant que M. Wright ne décide de rembourser personnellement 90 172,24 $ à Mike Duffy pour ses dépenses, il avait peut-être déjà été décidé de rembourser M. Duffy en utilisant le Fonds conservateur. En échange, M. Duffy aurait exécuté un plan élaboré par le Cabinet du premier ministre et les sénateurs conservateurs dans le but d’influer de façon importante sur l’enquête d’un comité portant sur la pertinence des demandes de remboursement de M. Duffy.
Selon la dénonciation, le 19 juin 2013, les avocats de M. Wright ont informé la GRC que : « Le parti conservateur devait, au départ, rembourser l’argent dû par le sénateur Duffy à même le Fonds conservateur, alors que l’on croyait que la somme due s’élevait à environ 32 000 $. Le fonds en question est contrôlé par le sénateur Gerstein. » (p. 12) [Traduction]
Le document décrit le plan plus en détail aux pages 31 à 34.
La page 31 présente un courriel envoyé par Janice Payne (l’avocate de M. Duffy) à Benjamin Perrin (conseiller juridique au Cabinet du premier ministre). Ce courriel contient un plan en cinq points. Le premier point laisse entendre qu’un effort serait entrepris pour influer sur les travaux d’un comité sénatorial. On peut y lire : « Le Comité de la régie interne confirmera que le sénateur Duffy ne fait plus l’objet de l’examen entrepris par Deloitte, et il lui assurera que ses dépenses sont désormais complètement remises en ordre et qu’elles ne seront pas soumises à un autre examen du Comité, du Sénat ou de toute autre partie. » (p. 31) [Traduction]
Le troisième point indique qu’un paiement à M. Duffy faisait partie du plan. On peut y lire : « Étant donné que son inadmissibilité apparente à l’allocation de logement est liée à une période qu’il a passée en déplacements au nom du parti, des arrangements seront faits pour le dédommager de ce remboursement. Ses frais juridiques lui seront également remboursés. » (p. 31) [Traduction]
M. Perrin a transmis le plan en cinq points à M. Wright. Ce dernier a répondu à M. Perrin et aux autres personnes du Cabinet du premier ministre pour leur faire part de ses commentaires.
En réponse au premier point qui porte sur le retrait par le comité sénatorial de la vérification de Deloitte, M. Wright a écrit : « cet arrangement reflète un engagement que me donneront les sénateurs LeBreton, Tkachuk et Stewart-Olsen. » (p. 32) [Traduction]
En réponse au troisième point, M. Wright a écrit : « Le parti est disposé à dédommager le sénateur Duffy étant donné que c’est clairement en toute innocence qu’il a perçu de l’argent en trop. J’ai appelé le parti pour confirmer cela, car j’estime que le sénateur a le droit de recevoir une telle confirmation. » (p. 32) [Traduction]
M. Perrin a répondu : « Le point 3 requiert un suivi de sa part (Payne) et de la nôtre. Elle nous donnera des renseignements sur ses honoraires et ses heures pour le calcul des frais juridiques… vous avez parlé d’autres communications avec le parti. » (p. 33). [Traduction] Ce à quoi Nigel Wright a répondu qu’il essaierait de parler au sénateur Gerstein, président du Fonds conservateur.
Plus tard ce jour-là, M. Wright a indiqué à M. Perrin « J’ai maintenant le feu vert à propos du point 3 » et « les fonds débloqués par le parti seront versés au cabinet juridique de Mme Payne, étant donné qu’une bonne partie de ces fonds servira à régler les honoraires de ce cabinet. » (p. 33) [Traduction]
Les courriels indiquent également que l’on s’attendait à ce que M. Duffy prenne certaines mesures. Par exemple, M. Wright a écrit : « J’aimerais savoir qui, le cas échéant, le sénateur Duffy a l’intention d’informer de l’arrangement décrit au point 3 (ou, d’ailleurs, de l’entente en totalité). Je présume que je connais la réponse, mais j’aimerais qu’elle me soit donnée explicitement. Je sais que, de son côté, le parti n’informera personne. » (p. 33)
En outre, la dénonciation précise que : « …Duffy doit encore envoyer la lettre au Comité directeur, en reprenant ce qu’il a dit en public, notamment que les règles sont ambiguës, qu’il a peut-être fait une erreur, qu’il est prêt à payer, qu’il doit savoir combien… » (p. 34) [Traduction]
Ces courriels laissent fortement entendre qu’un plan a peut-être été proposé, élaboré et convenu, comprenant un paiement à un sénateur siégeant au Fonds conservateur, y compris un engagement de la part de ce sénateur de prendre certaines mesures pour soutenir un plan destiné à affecter le résultat d’une enquête d’un comité sénatorial sur les dépenses de ce sénateur.
En vertu de l’article 16 de la Loi sur le Parlement du Canada, offrir ou promettre une rémunération interdite à un sénateur « pour influencer ou tenter d’influencer un membre de l’une ou l’autre Chambre » constitue une infraction. Plus précisément, il est interdit d’offrir ou de promettre un paiement « relativement à quelque projet de loi, délibération, marché, réclamation, dispute, accusation, arrestation ou autre affaire devant le Sénat ou la Chambre des communes ou devant un de leurs comités ».
Il est important de souligner qu’en vertu de la loi, le simple fait d’offrir ou de promettre une rémunération interdite à un sénateur, que la transaction ait lieu ou non, constitue un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal d’un an et d’une amende.
La dénonciation laisse entendre que le sénateur Gerstein, à titre de président du Fonds conservateur, a autorisé l’utilisation de l’argent du Fonds conservateur.
La dénonciation comprend également des courriels envoyés par Nigel Wright, l’ancien chef de cabinet du premier ministre, dans lesquels il laisse entendre s’être entretenu avec le premier ministre au sujet du plan en cinq points.
Par conséquent, je vous demande de bien vouloir enquêter à ce sujet et déterminer si une promesse de paiement a effectivement été faite à un sénateur par une personne autorisée à distribuer de l’argent du Fonds conservateur, en lien avec un dossier dont a été saisi un comité sénatorial. Nous croyons que de tels agissements pourraient contrevenir à l’article 16 de la Loi sur le Parlement du Canada, ou constituer un complot en vue de contrevenir à la loi, et constituer ainsi un acte criminel.
À titre d’information, j’ai joint à la présente les pages de la dénonciation qui décrivent le plan original de « dédommager le sénateur Duffy ».
Veuillez agréer l’assurance de ma considération distinguée.
Sean Casey, c.r., député
Porte-parole en matière de justice, Parti libéral du Canada