Renforcer l’économie en renforçant la classe moyenne: le plan Trudeau
22 juillet 2015
Lorsqu’ils choisiront pour qui voter aux prochaines élections fédérales, il y a un fait que les Canadiens devront avoir en tête: la corrélation entre l’égalité des revenus et la croissance économique.
Plusieurs études ont montré ce lien entre prospérité et égalité sociale. Le Fonds monétaire international lui-même a récemment insisté sur le gain économique qu’un pays peut retirer d’un resserrement des écarts de revenus. La Banque Toronto Dominion a recommandé au gouvernement de redoubler d’efforts afin de réduire les inégalités : «Canada could do more in terms of redistribution of income (…) Canada’s tax system is not as progressive as many might think». L’institut C.D. Howe a proposé un plan pour augmenter la progressivité de l’impôt. C’est pourtant la direction contraire qu’a prise le gouvernement de Stephen Harper.
1. La régressivité du plan Harper
Le plan fiscal de Stephen Harper comprend trois mesures qui vont accroître les inégalités au Canada.
Premièrement, le gouvernement conservateur veut faire passer de 65 à 67 ans l’accès aux prestations fédérales pour la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti. Cette mesure triplera presque le taux de faible revenu dans cette tranche d’âge, le faisant passer de 6% à 17 %, plongeant dans la pauvreté quelque 100 000 personnes par an.
Pourtant, le Bureau de l’Actuaire en chef du Canada, le Directeur parlementaire du budget, l’OCDE1 et le ministère des Finances lui-même ont démontré que l’âge d’accès pourrait très bien rester à 65 ans sans mettre les finances du gouvernement à risque.
Deuxièmement, le gouvernement Harper fait passer de 5 500$ à 10 000$ le plafond de cotisation annuelle au compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Le Directeur parlementaire du budget estime que ce programme est régressif, avantageant surtout les ménages à revenu élevé, et que « l’augmentation du plafond de cotisation proposé dans le budget de 2015 accentuera ces disparités.»
La troisième mesure régressive du plan fiscal conservateur est le fractionnement du revenu pour les ménages avec enfant. Selon le Directeur parlementaire du budget, cette mesure ne profite qu’à 15% des ménages, surtout ceux qui sont plus fortunés que la moyenne. Les familles à faible revenu, elles, ne toucheront presque rien. Le gouvernement Harper est déterminé à creuser les écarts de revenus, offrant un allègement fiscal de 2 000$ aux plus fortunés, mais rien aux mères monoparentales.
2. La progressivité du plan Trudeau
Le plan de Justin Trudeau, intitulé «Redonner à la classe moyenne», comprend deux mesures qui favorisent à la fois la justice sociale et la croissance économique: une allocation pour les familles et une baisse d’impôt pour la classe moyenne.
La première mesure, intitulée «l’Allocation canadienne aux enfants», augmente substantiellement l’allocation de base annuelle accordée aux familles à faible revenu. Cette allocation diminue avec la hausse du revenu familial (mais à un rythme plus lent que dans le système actuel) et cesse d’être versée pour les plus hautes tranches de revenu. Elle est entièrement indexée au coût de la vie et totalement non imposable, alors que ce n’est pas le cas de toutes les mesures du système conservateur. Au total, l’Allocation canadienne aux enfants fera en sorte que 90% des familles recevront des plus gros montants mensuels que ce n’est le cas aujourd’hui avec le système en place.
Rassemblant en un seul programme le système actuel complexe de prestations et d’allégements fiscaux, l’Allocation canadienne aux enfants représente un investissement annuel de 22 milliards de dollars, dont dix-huit milliards sont financés par le remplacement des programmes existants et deux milliards par l’annulation du régressif fractionnement du revenu des ménages avec enfants. Cela laisse un investissement nouveau de deux milliards de dollars, dont la source sera identifiée dans le programme électoral des Libéraux.
La deuxième mesure du Plan Trudeau consistera à baisser le taux d’imposition de la classe moyenne de 22,0% à 20,5%. Cela signifie que le revenu imposable se situant entre 44 700$ et 89 401$ sera l’objet d’un allégement fiscal pouvant aller jusqu’à 670$ par an et par personne – ou 1 340$ par an pour un ménage à deux revenus. Cette baisse d’impôt sera financée par l’instauration d’une nouvelle tranche d’imposition de 33% pour les revenus annuels de plus de 200 000$. Seulement 1% des contribuables canadiens seront plus imposés avec le plan Trudeau que sous le plan Harper.
Cette mesure équitable et salutaire pour la classe moyenne et pour l’économie canadienne a été bien accueillie dans l’ensemble, en dépit de ceux qui croient qu’au-delà d’un seuil psychologique de 50%, l’impôt devient « confiscatoire » et tue l’impôt. Le ministre des Finances du gouvernement conservateur est même allé jusqu’à évoquer le chef du NPD comme un argument d’autorité : «Le chef du NPD, Thomas Mulcair, a dit : «When you get taxes over 50 per cent, it’s no longer taxation – it’s confiscatory». It’s a good line».
Mais les études ne vérifient pas l’existence de ce fameux seuil de 50%. Et le taux marginal dépasse les 50% dans certains états ou grandes villes des États-Unis, dont New York et San Francisco.
Il est paradoxal que le même Thomas Mulcair, qui s’effarouche à l’idée d’accroître la progressivité de l’impôt sur le revenu, entende financer ses nombreuses promesses électorales par une hausse substantielle de l’impôt sur les sociétés. Le fait d’imposer davantage les profits des entreprises nuirait à leur compétitivité et en plus, la hausse ne serait pas entièrement assumée par leurs plus riches actionnaires. Leurs petits actionnaires, fournisseurs, clients, consommateurs et salariés en encourraient une bonne partie des coûts. Tant pour l’économie que pour la justice sociale, le plan Trudeau est supérieur au plan Mulcair tout comme il est préférable au plan Harper.
Conclusion
La réduction des inégalités, si elle est bien conçue, comme c’est le cas avec le plan Trudeau, bénéficie à l’économie, alors qu’à l’inverse, l’accroissement des inégalités, qui résulterait des plans Harper et Mulcair, lui nuirait. Voilà pourquoi le plan Trudeau est le plus équitable et le plus efficace, tant du point de vue social que sur le plan économique. De plus, il est simple, transparent, peu coûteux à administrer, et presque entièrement financé par un meilleur aménagement des mesures actuelles.
Une économie forte, une société juste, un environnement sain : pourquoi faudrait-il choisir ? Si nous prenons les bonnes décisions, nous pourrons mieux atteindre tous ces objectifs, justement parce que nous n’aurons renoncé à aucun d’eux. Le plan de Justin Trudeau pour redonner à la classe moyenne fait partie de ces bonnes décisions que doivent prendre les Canadiens, dans l’intérêt de tous.
[1] Whitehouse, Edward, L’offre des revenus de retraite au Canada : perspective internationale, rapport présenté au Comité permanent des finances de la Chambre des communes le 27 mai 2010.