Le jour de son anniversaire, célébrons ce qu’a accompli Lester B. Pearson pour mettre le Canada en bonne place dans le monde
23 avril 2013
L’essor du Canada comme une importante puissance moyenne et un acteur diplomatique actif et influent est mieux symbolisé par un vote historique à l’Assemblé générale des Nations Unies en octobre1956. Ce jour-là, l’ONU décida de constituer une force d’urgence qui serait chargée de superviser le retrait des troupes israéliennes, britanniques et françaises du territoire de l’Égypte et de veiller au respect de l’accord de cessez-le-feu. La FUNU (la Force d’urgence des Nations Unies), c’est le nom qui lui est donné, a rapidement été surnommée les « Casques bleus » – des soldats qui œuvrent sous les drapeaux non pas de leur pays d’origine, mais sous celui des Nations Unies.
Le diplomate et politicien canadien à l’avant-plan de cette journée à New York n’était nul autre que
Lester Pearson, un homme dont l’intelligence, le charme et les capacités personnelles permirent de préparer la résolution d’un conflit menaçant la paix dans la région et dans le reste du monde. La contribution personnelle de Pearson fut soulignée comme il se doit lorsqu’il obtient le prix Nobel de la paix ce mois de décembre. Aujourd’hui, à l’occasion de son anniversaire de naissance, il convient de se rappeler sa précieuse contribution à la place du Canada dans le monde – une place à présent menacée par un gouvernement pour lequel l’engagement à l’international est sans importance et qui a remplacé les actes par la rhétorique; l’obligeance par la provocation et en prenant parti.
En 1953, la décision de Gamal Abdel Nasser de nationaliser le canal de Suez galvanisa le peuple égyptien en raison de son audace. Mais pour d’autres, en particulier les Britanniques et les Français, cela sembla rappeler Hitler. Israël, dont l’existence-même était perçue par Nasser comme un affront à la fierté et à la souveraineté arabes, s’inquiéta pour des raisons qui lui étaient propres. Lors d’une série de réunions tenues secrètes, les trois pays convinrent de fomenter une attaque par Israël contre l’Égypte, et à laquelle les Britanniques et les Français répondraient en envoyant leurs propres troupes afin de « protéger » le canal.
Le déclenchement des hostilités scandalisa et suscita une farouche opposition dans le monde entier et même parmi les alliés. Ce qui semblait être pour les Israéliens, les Français et les Britanniques une brillante manœuvre se révéla être, du jour au lendemain, une source d’embarras politique majeur.
Louis St Laurent, le premier ministre du Canada, fut outré de ce qu’il qualifia d’acte de grande folie et illégal. Il encouragea Pearson à faire tout en son pouvoir afin d’éviter une crise encore plus grave. Le ministre des Affaires étrangères du Canada se retrouva dans une position bien singulière pour ce faire. Très respecté dans les chancelleries de Washington et de Londres, Pearson était également bien connu dans les couloirs des Nations Unies. Et il fut aidé de manière très compétente par un groupe de jeunes diplomates canadiens qui s’engagèrent à bâtir un monde sous le signe de la paix et régi par des règles.
Pearson considéra avec perspicacité l’idée d’une force de maintien de la paix qui répondrait à deux objectifs – augmenter la crédibilité des Nations Unies et se montrer indulgent envers les envahisseurs du canal de Suez. Certes il dut également convaincre les Égyptiens d’autoriser la présence de troupes étrangères sur son territoire, une idée que Nasser accepta avec réticence seulement si cela se faisait sous l’égide des Nations Unies, et une décision sur laquelle il put revenir unilatéralement à tout moment. Onze années plus tard, Nasser insista sur le départ des troupes, ce qui était le précurseur de mauvais présage de la Guerre des Six Jours.
Lorsque l’Assemblée générale adopta la résolution qui confirma la création de la Force d’urgence des Nations Unies, les délégués encerclèrent le bureau du Canada et félicitèrent Pearson et son équipe. Le Canada était au cœur d’une action constructive, engagée et efficace. Cette journée restera mémorable.
Bob Rae
Porte-parole libéral en matière d’affaires étrangères