Allocution du chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, au sujet du projet de loi C-51
04 février 2015
La version prononcée fait foi
Bonjour,
Il y a seulement quelques mois de ça, j’étais ici, dans cette salle, pour m’adresser aux Canadiens à la suite de la fusillade sur la Colline du Parlement.Les événements horribles qui ont eu lieu à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa ne seront pas oubliés de sitôt, et ils ne devraient pas l’être. Il s’agissait d’actes lâches : des hommes qui n’étaient pas armés ont été tués de sang-froid et à bout portant.
Ces attaques menées contre nos forces armées et contre les symboles les plus précieux de notre démocratie avaient pour but de nous terroriser. Elles avaient pour but d’ancrer dans notre esprit l’image de la terreur, et de nous amener à voir sous un autre jour notre milieu de vie et nos concitoyens.
Je veux réaffirmer à nos amis et concitoyens de la communauté musulmane que les Canadiens savent que les actes récents, commis au nom de l’Islam, sont une déformation de votre foi. Continuer en coopération et avec respect préviendra l’influence de l’idéologie propagandiste qui se dit « religion ». Nous marcherons ensemble, pas séparés.
Nous sommes citoyens d’une démocratie qui fait notre fierté, d’une nation accueillante et paisible, d’un pays qui n’hésite pas à ouvrir ses bras, son esprit et son coeur.
Notre pays est celui de l’équité, de la justice et de la primauté du droit. L’intimidation ne nous changera pas. Peu importe son origine. Au contraire, voilà les valeurs et les idéaux sur lesquels nous devons nous appuyer. Ce sont aussi ces valeurs et ces principes qui guident le Parti libéral du Canada dans tout ce qu’il entreprend.
Chaque jour, mon quotidien me rappelle qu’assurer la sécurité des Canadiens — d’une manière qui est fidèle aux valeurs canadiennes — est l’une de nos plus grandes responsabilités en tant que dirigeants et en tant qu’élus. Pour ce faire, nous devons assurer à la fois la sécurité des Canadiens et la protection de leurs droits et libertés.
Après les attentats terroristes d’octobre dernier, je me suis interrogé, comme beaucoup de Canadiens : quelles mesures doivent être mises en place pour assurer efficacement la sécurité de notre pays? Et vendredi dernier, le gouvernement a déposé au Parlement le projet de loi C-51, la Loi antiterroriste.
Ce projet de loi peut encore être amélioré, mais dans l’ensemble, il prévoit des mesures qui renforceront la sécurité des Canadiens. C’est pourquoi nous voterons en sa faveur.
Les enjeux de sécurité nationale ne devraient pas être traités de façon partisane. Nous prendrons une approche constructive afin d’améliorer ce projet de loi. Les libéraux saluent les mesures de ce projet qui permettent des arrestations à titre préventif, qui font une meilleure utilisation des listes d’interdiction de vol, et qui permettent un meilleur partage des renseignements entre les ministères et les organismes gouvernementaux.
Toutefois, d’autres aspects de ce projet nous préoccupent, et j’aimerais vous en dire quelques mots : premièrement, la question de la supervision et, deuxièmement, la nécessité de revoir régulièrement nos lois de sécurité nationale.
Je suis un libéral. Je crois que lorsqu’un gouvernement demande à ces citoyens de sacrifier même une petite partie de leurs libertés, alors la plus grande responsabilité de ce gouvernement est de garantir qu’il n’abusera pas de ses nouveaux pouvoirs.
Cela ne suffit pas, surtout après tout ce que nous avons appris au cours des 14 dernières années, lorsque les gouvernements disent : « faites-nous confiance ». Cette confiance doit être acquise. Elle doit être vérifiée. Et elle doit être renouvelée.
Je réalise aussi que les libertés individuelles dont nous jouissons et chérissons en tant que Canadiens, ne sauraient exister sans notre sécurité collective. À une époque où la collecte de renseignements est devenue essentielle, il est tout aussi important d’avoir un processus d’examen au sein de nos bureaux de renseignements.
Cela fait plus de dix ans que les libéraux demandent une plus grande supervision des bureaux de renseignements canadiens. Le Canada est le seul pays du groupe d’alliés « Five Eyes », qui comprend également le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, à ne pas être doté d’un mécanisme de supervision de la sécurité nationale, assurée par ses représentants et ses législateurs.
En fait, dans les années qui ont suivi le 11 septembre, l’actuel ministre conservateur de la Justice a lui-même déclaré que les parlementaires pouvaient représenter un mécanisme correcteur crédible et indépendant pour superviser nos bureaux de renseignements et le pouvoir de l’État.
Ce projet de loi a des lacunes, notamment en ce qui concerne la supervision et les examens obligatoires. Et les libéraux présenteront des amendements pour y remédier.
Le porte-parole libéral en matière de sécurité publique et ancien solliciteur général du Canada, Wayne Easter, a déposé un projet de loi d’initiative parlementaire afin de créer un comité de parlementaires multipartites qui superviserait différents organismes, notamment le SCRS, le CST, la GRC et le MDN.
Notre porte-parole en matière de défense nationale, Joyce Murray, a également déposé un projet de loi d’initiative parlementaire qui permettrait d’élargir les mécanismes de supervision de nos agences d’espionnage, en particulier le CST. Cela permettrait au Parlement et aux Canadiens d’avoir une bonne compréhension des actions du gouvernement.
Cela m’amène à mon second point : quand le gouvernement libéral de l’époque a instauré de nouvelles mesures de sécurité publique à la suite du 11 septembre, il y avait une clause exigeant un examen obligatoire de la législation.
Toutes les mesures de la Loi antiterroriste devraient être réexaminées après un certain laps de temps, comme ce fut le cas avec les nouvelles lois adoptées après le 11 septembre.
L’ampleur des changements apportés au cadre de lutte contre le terrorisme stipulé dans le projet de loi C-51 ne devrait pas être sous-estimée. Il était prudent et sage d’instituer un examen législatif obligatoire des nouvelles lois à la suite des événements du 11 septembre, et le Parti libéral croit fermement que de telles mesures sont tout autant nécessaires aujourd’hui.
Ce projet de loi a des lacunes, notamment en ce qui concerne la supervision et les examens obligatoires. Et les libéraux présenteront des amendements pour y remédier.
En outre, nous croyons que notre réponse au terrorisme ne doit pas être limitée; elle doit comprendre un plan solide afin de prévenir la radicalisation avant qu’elle ne s’enracine. Cela signifie que nos bureaux de renseignements doivent être dotés des ressources nécessaires afin de pouvoir mener à bien ces nouvelles tâches qui leur sont attribuées.
Les libéraux sont prêts à bonifier ce projet de loi et nous agirons de bonne foi. Nous espérons que le gouvernement est sérieux dans sa démarche et qu’il mettra de côté la partisanerie pour assurer la sécurité des Canadiens, tout en protégeant nos droits et nos valeurs. Il y a des préoccupations avec ce projet de loi et nous y sommes attentifs. Mais nous devons faire ce que nous pouvons pour nous assurer de la sécurité des Canadiens. Et nous sommes d’avis que plusieurs préoccupations de ce projet de loi seront mises en lumière par un système de surveillance parlementaire.
Le gouvernement actuel peut accepter la volonté des Canadiens d’avoir une plus grande supervision et responsabilisation de nos organismes de surveillance, ou bien nous donner l’occasion de le leur proposer dans notre plate-forme électorale. Il ne fait aucun doute que le terrorisme représente une menace réelle et grave à la sécurité ici, au Canada, et partout dans le monde. Nous avons le devoir d’agir contre les menaces terroristes, comme le gouvernement libéral l’a fait à la suite du 11 septembre. Nous avons le devoir, en tant que législateurs, de trouver un équilibre entre la liberté de tous les Canadiens et leur sécurité.
Les libéraux sont déterminés à garder le Canada en sécurité tout en protégeant les valeurs qui font de nous des Canadiens.
Merci.