Déclaration du Justin Trudeau, à propos de la motion du Parti libéral pour une journée de l’opposition au sujet de l’aide médicale à mourir
25 février 2015
La version prononcée fait foi
Plus tôt ce mois-ci, la Cour suprême du Canada a rendu un jugement historique invalidant la prohibition de l’aide médicale à mourir. Sa décision était non seulement unanime, elle était sans équivoque.
La Cour suprême a ainsi déterminé qu’en ce qui concerne les adultes capables voués à d’intolérables souffrances causées par des problèmes de santé graves et irrémédiables, la prohibition actuelle prévue dans le Code criminel porte atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne d’une manière non conforme aux principes de justice fondamentale.
La cour s’est prononcée. C’est maintenant à nous, en tant que législateurs, d’agir.
La mort, et toutes les façons dont elle touche nos vies, n’est pas un sujet dont il est facile de discuter. Au cours des dernières semaines, j’ai eu plusieurs conversations délicates avec ceux qui applaudissent la décision de la cour ainsi qu’avec ceux qui la condamnent.
Même si le processus pour arriver à une nouvelle mesure législative peut être difficile et même s’il peut rendre certaines personnes mal à l’aise, il est de notre responsabilité de le faire. Nous sommes ici pour être la voix de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Nous devons engager les débats, peu importe leur difficulté. Nous devons prendre des décisions difficiles, et les Canadiens en sont conscients.
La Cour suprême, prenant sans doute en compte la nature conflictuelle de ce processus, a judicieusement fixé une échéance. Elle nous a donné un an pour rédiger la mesure législative sur l’aide médicale à mourir. Dans le contexte d’une question aussi profondément personnelle et controversée, une année est à peine suffisante. Nous ne parlons pas ici d’un amendement insignifiant à une loi mineure. Lorsque la province de Québec a décidé de commencer à écrire ses propres lois sur l’aide médicale à mourir, quatre ans et demi se sont écoulés entre la création d’un nouveau comité composé de représentants multipartites et l’adoption d’une mesure législative. Pendant ces quatre ans et demi, une année complète a été consacrée à des audiences et à des consultations publiques, ainsi qu’au dépôt et au débat d’amendements.
Le processus a pris quatre ans et demi à l’Assemblée nationale du Québec, y compris une année complète de consultations et de débats. La Cour suprême nous a donné 12 mois, ce qui est un délai raisonnable. Cependant, à cause de l’ajournement d’été et des élections à l’automne, les parlementaires disposent d’à peine 12 semaines de séance pour s’occuper de cette question. Nous pouvons y parvenir, mais il n’y a pas de temps à perdre.
Aujourd’hui, nous présentons une motion qui demande à la Chambre des communes d’agir immédiatement. Nous demandons que :
« […] un comité spécial soit créé pour examiner la décision de la Cour suprême; que le comité consulte des spécialistes et des Canadiens et formule des recommandations concernant un cadre législatif conforme à la Constitution, à la Charte des droits et libertés et aux priorités des Canadiens […] »
Comme le député de Charleswood—St. James—Assiniboia l’a signalé, la décision de la Cour suprême nous a tracé clairement la voie à suivre pour agir rapidement, mais judicieusement. Il n’y a aucun avantage à retarder le débat. En effet, étant donné l’échéance fixée par la Cour suprême, ces consultations doivent commencer immédiatement, si la Chambre souhaite aborder la question avant les prochaines élections.
Lorsque j’ai questionné le premier ministre à ce sujet, la semaine dernière, il a dit à la Chambre des communes que l’aide médicale à mourir est un dossier sensible pour de nombreux Canadiens et que des convictions profondes existent des deux côtés. Ce jugement est juste. J’ai moi-même une conviction profonde. Elle est fondée sur mon expérience personnelle, sur ce que j’ai vécu lorsque j’ai accompagné mon père pendant les derniers moments de sa vie. Je sais que nous devons respecter les libertés et les choix de la population, tout en nous assurant qu’en tant que société, nous protégeons les plus vulnérables d’entre nous.
Je crois que la Cour suprême a pris la bonne décision et que nos lois doivent être conformes au jugement qu’elle a rendu, car il s’agit de la bonne chose à faire. Toutefois, c’est mon opinion. Il nous faut entendre ce qu’ont à dire les autres.
La semaine dernière, le premier ministre lui-même a signalé son accord. Il a dit que nous « tiendrons de vastes consultations relativement à tous les points de vue liés à cette question difficile ». Aujourd’hui, nous pouvons commencer à tenir cette promesse.
L’expérience du Québec nous donne l’assurance qu’il est possible de débattre de cette question de manière respectueuse et responsable. Elle nous rappelle que, lorsque les partis politiques mettent de côté leurs divergences pour le bien public, cela peut encourager la coopération. Un consensus peut être atteint, même sur une question aussi complexe et délicate que les soins de fin de vie.
Mais si nous ne faisons rien, si nous n’entamons pas bientôt ce débat national important, le Canada ne disposera d’aucune loi pour gouverner l’aide médicale à mourir. Ce type de vide législatif n’est dans l’intérêt de personne: ni des gens qui souffrent, ni des membres de leur famille qui s’inquiètent pour eux, ni des médecins compatissants qui les soignent.
Il y avait un élément constant dans toutes les contestations judiciaires qui ont mené à la décision de la Cour suprême : personne ne voulait enfreindre la loi. Ce que ces gens demandaient — et ce que la Cour suprême nous oblige maintenant à présenter — c’est une loi qui énonce les restrictions concernant l’aide médicale offerte aux Canadiens qui souhaitent mourir dans la dignité.
La décision de la cour s’applique aux adultes sains d’esprit dont les souffrances sont intolérables et persistantes et qui ont clairement donné leur consentement à l’aide médicale à mourir. Même dans les limites de ces dispositions, comme l’a fait remarquer le premier ministre, les Canadiens ont des opinions divergentes. Ils ont des valeurs bien ancrées. Que ces valeurs reposent sur des convictions religieuses, des expériences personnelles ou une expertise professionnelle, ces voix méritent d’être entendues.
Pour que nous puissions poursuivre une discussion respectueuse et responsable sur cette importante question, nous devons avoir suffisamment de temps pour entendre les Canadiens et être à l’écoute des gens concernés par cette mesure législative, de leurs familles et des spécialistes médicaux et juridiques. Le jugement qui a été rendu exige, en partie, que nous abordions franchement la question de la qualité des soins déjà offerts. Les Canadiens qui souffrent se sentent-ils adéquatement soutenus par leur communauté? Ont-ils un accès équitable à des soins palliatifs de qualité?
Nous devons tenir une discussion à l’échelle nationale sur le droit de mourir dans la dignité, une discussion qui portera notamment sur les moyens de prodiguer des soins empreints de compassion et de respect à ceux qui souffrent à la fin de leur vie.
Monsieur le Président, la cour a fixé un délai. Nous avons le devoir de le prendre au sérieux, d’agir rapidement, mais de manière réfléchie, et d’assumer nos responsabilités communes en tant que législateurs. J’invite tous les députés à songer à cette responsabilité aujourd’hui et à appuyer cette motion.
La cour s’est prononcée; le Canada et les Canadiens attendent notre réaction.
Merci.