Discours du chef libéral Justin Trudeau prononcé lors du souper organisé par le Parti libéral à l’occasion de l’Aïd el-Fitr
12 août 2014
11 août 2014
La version prononcée fait foi
As-salamu Alaykum et Aïd Mubarak.
Je vous remercie d’être présents ici, ce soir. J’aimerais tout particulièrement remercier les organisateurs de cet événement : Yasmin Ratansi, notre candidate libérale dans Don Valley Est; Omar Alghabra, qui représentera le Parti libéral dans Mississauga-Centre; et Salma Zahid, la candidate libérale dans Scarborough-Centre. Je suis vraiment fier de vous compter toutes et tous comme candidats et membres de notre équipe libérale – je n’ai aucun doute que vous représenterez vos électeurs avec force et conviction.
Et, bien entendu, merci aux bénévoles grâce à qui cet événement a pu se faire.
Nous sommes rassemblés ici, ce soir, pour célébrer la fête de l’Aïd el-Fitr, qui marque la fin du mois saint du ramadan. Durant tout ce mois, les musulmans du Canada et du monde entier ont pratiqué le jeûne du lever au coucher du soleil pendant nos longues journées d’été. Ce jeûne s’accompagne d’une profonde réflexion spirituelle et exige également une grande discipline spirituelle.
J’ai eu le privilège de célébrer le ramadan à plusieurs reprises, dans ma circonscription de Papineau, et lors d’événements organisés partout au pays. Chaque fois que je me rends dans une mosquée, ou que j’assiste à un souper de rupture du jeûne, je réalise combien nous avons la chance de vivre dans un pays qui prône non seulement la diversité, mais qui l’incarne aussi.
Je suis vraiment ravi de pouvoir célébrer la fête de l’Aïd. C’est toujours une occasion festive au cours de laquelle nous passons du temps avec nos proches, nos amis et nos voisins. Je dois passer beaucoup de temps loin de ma famille, et je suis bien conscient de l’importance toute particulière de pouvoir fêter de telles occasions spéciales ensemble, en famille.
J’aurais, certes, aimé que nous célébrions cette année la fête de l’Aïd dans de meilleures circonstances. Je suis certain que la joie que vous ressentez d’habitude ce soir-là est assombrie par le conflit actuel au Moyen-Orient. Tout comme vous, j’ai le cœur gros ces jours-ci, après avoir vu les images dévastatrices et entendu les histoires désastreuses au sujet de Gaza et d’Israël, du nord de l’Irak, et de la Syrie.
S’il est vrai que la diversité de notre pays est incontestablement quelque chose qui nous renforce comme nation, cette diversité nous permet également d’éprouver, en tant que pays, les souffrances vécues par d’autres dans le monde. Nous sommes, après tout, un pays formé de gens qui proviennent des quatre coins du globe, et lorsque d’autres habitants de cette Terre sur laquelle nous vivons – peu importe leur origine ethnique, leur race, leur culture, ou leur religion – souffrent, nous éprouvons leurs douleurs et nous souffrons aussi. C’est à la fois notre défi et notre don.
Nous éprouvons la douleur et les souffrances vécues par d’autres dans le monde, parce que nous nous sentons très proches d’eux – trop souvent, il s’agit de nos amis ou de nos familles. Ce soir, mes pensées et mes prières vont à vos amis ainsi qu’à vos familles.
Tout comme vous, je suis ébranlé par les pertes de vies humaines et par la détérioration de la situation humanitaire résultant du conflit israélo-palestinien. Je présente mes plus sincères condoléances aux familles palestiniennes et israéliennes qui ont perdu des êtres chers et dont la vie a été à tout jamais bouleversée à la suite des événements du mois dernier.
Depuis le début du dernier conflit en date, les libéraux ont fait de nombreuses déclarations dans lesquelles notre position à ce sujet a été clairement exprimée. Notre principal objectif est, et demeure, la conclusion d’un cessez-le-feu. Je suis fermement convaincu qu’il n’existe pas de solution militaire à la crise qui continue de faire rage au Moyen-Orient.
Ce n’est qu’en négociant et en collaborant avec la communauté internationale que nous parviendrons à mettre en œuvre la solution à deux États qui est, selon tant de gens, indispensable à la fin des hostilités dans la région. Un État israélien en sécurité et en paix ne peut exister qu’aux côtés d’un État palestinien en sécurité et en paix, un État dont l’économie est créatrice d’emplois, qui est doté d’un système de sécurité sociale pour protéger les plus vulnérables, qui peut nourrir ceux qui ont faim, qui a des infrastructures répondant aux besoins de la population et dont le gouvernement est à l’écoute de ses citoyens. Alors, Palestiniens et Israéliens seront libres de profiter du genre de libertés dont nous avons le grand privilège de jouir ici, au Canada.
Nous continuerons, comme nous l’avons fait dès le départ, d’encourager le gouvernement du Canada et tous les acteurs à appuyer la poursuite des efforts déployés par la communauté internationale dans le but d’obtenir un cessez-le-feu durable et de s’engager sur la voie qui permettra, à long terme, de mettre fin aux hostilités. Prions tous pour que cette paix se réalise.
Aujourd’hui, dans cette salle, les musulmans souffrent et se demandent comment aider leurs frères et leurs sœurs à Gaza. Et ce soir, quelque part ailleurs au pays – peut-être même ici, dans cette ville – des juifs se sont rassemblés et, eux aussi, ils souffrent et se demandent comment aider leurs frères et leurs sœurs en Israël. Mais ces sentiments qui nous habitent doivent être la source d’une action bénéfique qui peut faire toute la différence. Il faut que ces sentiments nous poussent à tendre la main à nos concitoyens pour qu’ensemble, nous puissions agir pour le bien commun.
Nous devons nous laisser inspirer par l’œuvre de bien accomplie par des gens comme le Dr Izzeldin Abuelaish, qui a fait pression auprès de notre gouvernement dans le but de pouvoir faire venir ici, au Canada, des enfants palestiniens blessés à Gaza pour qu’ils soient soignés. Le Dr Abuelaish, dont les trois filles ont été victimes de ce conflit qui perdure, a refusé de se laisser envahir par la haine et s’est au contraire voué à promouvoir la réconciliation entre les Israéliens et les Palestiniens.
Nous devons nous laisser inspirer et motiver par les actes de personnes comme Zane Caplansky, un membre de la communauté juive, qui a décidé de faire preuve de solidarité humaine en parrainant le festival du film palestinien de Toronto.
M. Caplansky a déclaré que c’était là « un geste modeste et humble pour tenter de faire tomber les obstacles qui empêchent les Juifs comme les Palestiniens de partager leur vécu respectif ». Même si, à ses yeux, son geste était « modeste et humble », il a sans aucun doute eu un impact beaucoup plus fort et plus vaste qu’il ne l’avait imaginé au départ.
Cet homme est ici, avec nous, ce soir. Joignez-vous à moi pour le remercier de tout ce qu’il a accompli.
M. Caplansky a également expliqué que s’il avait décidé de parrainer le festival du film palestinien de Toronto, c’est qu’il jugeait absolument stérile la mentalité du « nous contre eux » qui est si souvent à la base des conflits. Il espérait, au contraire que ses efforts nous encourageraient à nous considérer comme ayant une identité collective et non pas l’identité réductrice qu’exprime le « nous ».
En 1877, l’ancien premier ministre Wilfrid Laurier avait des espoirs semblables pour ce qui était alors un très jeune Canada. Lui qui avait à peine trois ans d’expérience au Parlement a choisi de rompre avec ses aînés qui considéraient ce qui les différenciait de leurs concitoyens comme des raisons de bâtir des murs entre « nous » et « eux ». Laurier, pour sa part, a vu clairement quelque chose se dessiner, peut-être plus clairement que quiconque au Canada : il a vu ici, chez nous, qu’une nouvelle idée prenait forme, qu’une nouvelle façon de vivre ensemble était, après tout, sans doute possible.
Il savait que notre pays avait été fondé et bâti par des gens qui s’étaient fait la guerre pendant des siècles sur leur continent d’origine : les Anglais contre les Français, les catholiques contre les protestants. Et au départ, leurs conflits meurtriers avaient traversé l’Atlantique avec eux.
Il rêvait cependant de l’édification d’un pays comme celui dans lequel nous avons la chance de vivre aujourd’hui. D’un endroit ayant dépassé l’objectif de la simple tolérance, puisque tolérer quelqu’un consiste simplement à lui permettre à contrecœur de respirer le même air que nous inhalons et de fouler le sol sur lequel nous marchons. Or, même s’il y a beaucoup d’endroits dans le monde où la tolérance n’est encore qu’un rêve lointain, je sais qu’au Canada, nous visons désormais davantage. Ici, nous en sommes arrivés à la conclusion qu’ensemble, en tant que pays, nous pouvons aspirer à de grandes choses non pas en dépit de nos différences, mais grâce à celles-ci.
Laurier savait d’instinct ce que l’expérience nous a enseigné – que l’avenir est plus important que le passé. Que si nous pouvons créer un véritable espoir pour les gens – qu’ils soient francophones ou anglophones, juifs ou musulmans – que l’avenir peut et sera meilleur que le passé. Que les gens vont choisir de travailler ensemble, et non les uns contre les autres, chaque fois qu’ils en ont le choix.
Il ne s’agit pas là de vaines paroles, mes amis – c’est ce que nous sommes. C’est ce que nous faisons ici au Canada. Chez nous, rien n’est impossible – et rien n’est inaccessible. Si vous voulez diriger ce pays, c’est exactement ce en quoi vous devez croire, et ce que vous devez avoir dans votre cœur. Vous devez avoir le désir de rassembler les gens, de trouver un terrain d’entente, et de partager des objectifs communs.
Alors ce soir, nous allons nous engager à faire ce que nous faisons de mieux. Faisons de ce pays un exemple auquel les autres pays pourront aspirer et s’identifier. Prouvons une fois de plus que les gens, peu importe leur histoire, ne sont pas prisonniers du passé. Que nous pouvons, si nous le choisissons, bâtir ensemble un avenir meilleur.
Quelles que soient les attaques dirigées contre moi, que ce soit pour avoir assisté au congrès RIS ou pour avoir visité une mosquée dans ma circonscription, je veux que vous sachiez que je saurai toujours résister à la politique de division. Que je crois qu’il est vain d’essayer d’opposer des groupes de Canadiens les uns contre les autres. Cela pourra peut être vous satisfaire pendant un certain temps, ou même conduire à des gains politiques à court terme. Mais ce n’est pas ainsi que l’on construit un pays, et encore moins notre pays. Comme Laurier l’a toujours su, ce n’est pas ce que nous sommes.
Ce soir, je suis ici pour vous rappeler que nous devons rester unis face à la politique de division. Que nous ne pouvons pas avoir peur les uns des autres. Nous devons nous rappeler que lorsque les gens se réunissent pour créer des possibilités les uns pour les autres, les rêves que nous avons en commun l’emporteront sur les craintes qui pourraient nous diviser.
Nous devons nous rappeler que notre pays est né lorsque deux peuples qui ont longtemps été ennemis se sont réunis pour créer des institutions – et une Constitution – garantissant la liberté non seulement l’un pour l’autre, mais pour tous ceux qui viendraient après eux.
Ce type de projet n’est jamais facile; des générations de Canadiennes et de Canadiens ont dû surmonter leurs profondes divergences. Mais ils ont fait le choix délibéré de tourner le dos au conflit et à la haine. Aujourd’hui, nous avons toutes et tous la chance de vivre dans un des pays les plus cosmopolites, les plus prospères et les plus pacifiques au monde. Engageons-nous à continuer à construire un pays qui rassemble les gens; qui accorde la priorité au compromis, à la modération, et à un terrain d’entente.
Alors que nous célébrons ce soir la fin du ramadan, nous nous tournons vers l’avenir. Sachez que ce n’est pas la première fois que nous sommes confrontés aux luttes de nos frères et sœurs, et que nous éprouvons dans notre cœur les sentiments contradictoires qui nous assaillent actuellement. Sachez que le compromis et la modération ne constituent pas la voie de la faiblesse, mais bien le chemin du courage et de la force. Sachez que nous trouverons la paix quand nous trouverons non pas ce qui nous divise, mais ce qui nous unit. Sachez qu’il y aura toujours une voie positive dans ce pays pour toutes celles et tous ceux qui cherchent à se serrer les coudes.
Que la paix, la miséricorde et la bénédiction vous accompagnent.