08 janvier 2016
Les Canadiennes et Canadiens ont souvent entendu le premier ministre Justin Trudeau parler de la voie ensoleillée de Sir Wilfrid Laurier – un principe directeur que tous deux partagent. Comme Laurier, le premier ministre sait que la politique peut être une force de changement positive et puissante. Les Canadiennes et Canadiens lui ont donné raison. Le 19 octobre 2015, ils ont envoyé un message clair : un gouvernement ayant une conception positive, optimiste et porteuse d’espoir devait être élu au Canada. L’heure du changement était venue.
Cependant, demandons-nous d’où vient cette expression? Voici l’origine de la « voie ensoleillée » de Wilfrid Laurier :
« Dans la fable, les rayons chauds du soleil se révèlent plus efficaces que les rafales de vent. »
Wilfrid Laurier a fait pour la première fois référence à la « voie ensoleillée » dans un discours politique sur la question des écoles manitobaines. Quand le Manitoba est devenu une province en 1870, un double système scolaire a été instauré pour tenir compte à la fois de la population protestante de la province, largement anglophone, et des résidentes et résidents catholiques, principalement francophones. En 1890, la population anglophone dépassa largement les francophones. Cherchant alors à plaire à cette population en pleine croissance, le gouvernement provincial de Thomas Greenway tenta d’abolir le double système scolaire. Avec l’aide du gouvernement conservateur fédéral, la communauté catholique manitobaine entreprit alors une action en justice contre la loi sur les écoles. Le Comité judiciaire du Conseil privé décida que, bien que la loi soit valide, le gouvernement fédéral pourrait rétablir le financement des écoles confessionnelles. En 1895, malgré qu’elle divisa profondément l’opinion, le premier ministre Mackenzie Bowell présenta une mesure législative pour forcer le Manitoba à rétablir les écoles catholiques – une mesure qui fut alors repoussée à cause de la opposition farouche de son propre cabinet, ce qui le poussa finalement à démissionner.
Contrairement à l’approche autoritaire de Bowell, le chef libéral Wilfrid Laurier proposa le recours à une « voie ensoleillée », plus diplomatique, qui donnerait de meilleurs résultats. Il illustra ses propos par une fable d’Ésope dans laquelle le soleil et le vent se disputent pour savoir lequel pourra faire retirer son manteau à un voyageur. Dans la fable, les rayons chauds du soleil se révèlent plus efficaces que les rafales de vent.
Laurier a utilisé cette métaphore pour la première fois dans le discours qu’il prononça à Morrisburg, en Ontario, le 8 octobre 1895 :
Le gouvernement, au lieu de se pencher sur le sujet, a décidé de rendre – comment pourrai-je l’appeler? Un décret en conseil, ainsi qu’il l’appelle, ordonnant au Manitoba sur le ton le plus péremptoire qui soit de se plier à sa volonté de rétablir les écoles ou d’en assumer les conséquences. Le Manitoba a répondu comme je suppose que tout homme aurait répondu s’il avait été approché comme l’a été le gouvernement du Manitoba,… le Manitoba a répondu en déclarant : « Aucune contrainte ne nous sera imposée ». Maintenant, je vous demande s’il n’aurait pas été plus juste, plus équitable, plus diplomatique, d’une part d’enquêter sur le sujet, et d’autre part de réunir les parties pour les entendre et mettre en lumière les faits pour déterminer si des arguments tendant à montrer une interférence se faisaient jour. C’est la position qui est mienne dans la province de l’Ontario. Je n’ai jamais dévié de cette position.
Eh bien monsieur, le gouvernement est très venteux. Il souffle, rage et menace, mais plus il le fait et plus Greenway s’accroche à son manteau. Si j’en avais le pouvoir, j’essaierais la voie ensoleillée. J’approcherais Greenway avec le chaud rayon du patriotisme, je lui demanderais d’être juste et équitable, d’être généreux envers la minorité afin que la paix règne entre les croyances et les races qu’il a plu à Dieu de nous envoyer dans le coin de pays que nous partageons. Ne pensez-vous pas qu’il y a plus à gagner en faisant appel au cœur et à l’âme des hommes plutôt qu’en les forçant à obéir?
Traduction, Oscar Skelton, Life and Letters of Sir Wilfrid Laurier. Vol. 1, Toronto, Oxford University Press, 1921, pages 464-465)
Après avoir gagné les élections de 1896, le premier ministre Laurier élabora un compromis avec le premier ministre provincial Greenway par lequel l’enseignement catholique fut permis au Manitoba, avec le français comme langue d’enseignement, école par école, lorsque le nombre d’élèves le justifiait.
Plus de 120 ans se sont écoulés, mais le premier ministre Trudeau partage toujours l’idée de Laurier selon laquelle la « voie ensoleillée » demeure essentielle dans la résolution des problèmes complexes auxquels notre pays est confronté.